Il est généralement admis que, lorsque la faucheuse vous accorde vos derniers instants, le film de votre vie se déroule en vitesse accélérée devant vos yeux. Bien évidement, ce principe étant par essence inéluctable, personne n’a put dignement apporter de témoignage pertinent à ce concept. Enfin… si ! Une personne a tenté de le faire, il y a de cela 2000 ans, mais son message était tellement obscur, que les gens de l’époque l’on finalement prit pour le fils de Dieu en personne… Ce pauvre JC a dû se retourner plus d’une fois dans sa … euh, sur sa croix, en entendant pareil inepties se propager au fil du temps.

Lemme 1 : dans le cadre de ce texte, nous tiendrons pour acquis, le fait que les trépassés nous observent à l’instar des trois petits papis corses dans les albums d’Astérix et Obélix.

J’espère donc qu’il ne se retournera pas une fois de plus en entendant l’expérience que j’ai récemment subie, et que je vais vous décrire ci-dessous.

Lemme 2 : nous tiendrons également pour acquis qu’en plus de nous entendre, les trépassés sont également contraints de ‘vivre’ dans la position de leur dernier souffle, (du moins, celle de leur première mort), imaginez donc ce que cela peut donner dans le cadre d’un retournement de JC… réflexion faite, oubliez cette histoire de clous !!.

Je vous rassure tout de suite, je ne suis pas ce que l’on peut appeler un ressuscité. Désolé. Si, si… franchement… je suis désolé. J’aurais tant aimé que vous écriviez un petit manuscrit de quelques 500 pages sur moi. Mais bon,… si tu t’appelles Luc, Marc, ou Matthieu, tu peux quand même me contacter par mail, on ne sait jamais… Je n’ai que 27 ans, vous pourriez peut-être faire des pré-bandes annonces d’ici mes 33 ans… Uhmm, excusez-moi, revenons plutôt à nos moutons…
L’affaire qui m’amène à vous raconter tout ceci, s’est déroulée la semaine dernière… du moins, il me semble. J’étais cool, assis sur un banc… c’était donc le printemps… A défaut de tenir une marguerite, ma main enlaçait une bonne chopine de Guinness qui avait pour mission de me réchauffer le cœur (le soleil ayant décliné l’invitation de me réchauffer le corps). Je sirotais donc mon sombre breuvage avec l’allégresse d’un breton qui sait soigner son foie, quand une personne de petite taille me tira de ma méditation alcoolisée.
Je vous arrête tout de suite, ce n’était ni un nain enfuit du Seigneur des Anneaux, ni un lutin tout droit venu de Brocéliande. Non, il s’agissait tout simplement d’un petit bonhomme, un petit bout d’homme comme vous en croiserez plein dans votre vie, un de ceux qui prennent la pose devant un appareil photo, et dont l’œil est plein de malice et de sourires.

Lemme 3 : Autant vous dire qu’à cet instant de l’histoire, je ne sais pas encore où tout cela va nous amener, mais poursuivons.

Ce petit être s’était planté devant moi, et me fixait, les mains cachées derrière son dos. Manifestement son trépignement me fît comprendre que, un : soit il avait une envie pressante, deux : soit il avait quelque chose à me demander. Son large sourire édenté me fît choisir l’option numéro deux, aussi lui adressais-je un « Bonjour Monsieur » à même de gonfler de fierté n’importe quel bout de chou en mal de ‘grandaison’. Quelle ne fût pas mon erreur ! Celui-ci n’était pas de ceux qui souhaitaient grandir au plus vite et faire comme papa. Non ! Il me regarda avec un air plein de compassion et s’exprima de sa petite voix fluette : « Ze ne suis pas un meussieu, mais zun peuti garsson…. ».
Je me ravisa aussitôt et lui demanda de m’excuser pour l’affront que je venais de lui faire. Il me répondit par un second sourire aux dents éparpillées, et me tendit l’objet qu’il dissimulait derrière son dos depuis tout à l’heure.
Il s’agissait d’une grande enveloppe en papier kraft, du style de celles que reçoivent les héros des séries américaines. Vous savez ces enveloppes envoyées à la dernière minute par ‘un ami’ et qui dénouent toute l’histoire en deux coups de cuiller à pot, alors que cela faisait plus d’une heure que vous vous creusiez la tête !! Mais pourquoi ils ne commencent pas l’histoire par l’enveloppe !!!!

Lemme 4 : Et bien vous allez rire (?), mais c’est à peu près le scénario de cette histoire.

Sauf que l’histoire en question, c’est ma vie. Quand à savoir qui est ‘l’ami’ qui m’a envoyé cette enveloppe, je ne le saurais sûrement jamais. Peut-être que si je retrouvais le petit garçon, j’en saurais un peu plus, mais je suis à peu près sûr que mes recherches resteraient vaines.

Vous mourrez d’envie de savoir ce qu’il y avait dans cette enveloppe ? Mourrez donc… Allez-y je vous en prie… N’oubliez pas de choisir une position à peu agréable pour le faire, car selon le Lemme numéro deux, les trépassés restent ad mortem æternam dans leur dernière position.

Je plaisantais, vous pouvez ranger ce rasoir s’il vous plaît, ce ne sont pas là des choses avec lesquelles il faut plaisanter. Remarquez… moi j’utilise un Wilkinson, avec des lames si tranchantes qu’il a fallut mettre une grille devant… comme ça, pas de risque !! C’est là un cadeau que tous les parents devraient offrir à leurs rejetons pré-pubères. Quoi vous me trouvez choquant ? C’était juste une interlude pour trancher avec l’image bienheureuse du petit garçon d’avant.

Ce qu’il y avait dans cette enveloppe, c’était le film de ma vie… Imaginez ma surprise… 27ans de vie sur un simple DVD. Après m’être longuement interrogé sur le type de codec vidéo qui pouvait faire tenir toutes ces années sur un simple DVD, un grand silence s’abattit sur le flot, d’habitude incessant, de mon esprit…
Je retournais sur la page d’accueil de la galette, et naviguais d’année en année :
Saison1 : Où Laton s’introduit dans la vie.
Saison5 : Où Laton apprend le vélo et ses chutes.
Saison7 : Où Laton connaît son premier flirt (je fais ce que je veux c’est mon texte !)
Etc
Etc
Saison 18 : Où Laton débarque à Rennes
Saison 21 : Où Laton débarque à Bordeaux
Saison 25 : Où Laton débarque à Caen
Saison 27 : Où Laton reçoit la cassette.
Puis… plus rien…27ans… c’est tout… j’avais beau farfouiller dans les menus, je n’ai jamais pu trouver de bande annonce pour le volume 2… Je me décidai donc à regarder la Saison 27 afin de connaître ce qu’il en était.
Je vous passe les détails de ma 27ème année, mais c’était assez intéressant, bien que l’histoire eut l’air de s’essouffler un peu tout de même sur le milieu, jusqu’à l’instant où je revis la scène du petit garçon et de la cassette. Jusqu’à l’instant où j’avais commis l’irréparable ! Le visionnage du début de ma 27ème année m’avait pris 6mois, soit exactement le temps de la fin de cette même année ! C’est donc tout naturellement que la fin de ma 27ème année consistait en le visionnage du début de mon année !!! J’étais dans la boucle ! Ne me demandez pas comment je me nourrissais, ni pourquoi personne ne s’inquiétait de mon sort, je n’en sais rien ! Toujours est-il que j’ai du bouclé plusieurs années sur cette rediffusion.

Lemme 5 : La durée de vie d’un DVD est d’environ 25ans.

Ce qui m’a sauvé ? Le lemme numéro 5. En effet, rien n’est éternel sur cette terre, et la galette a due s’user au fur et à mesure de la lecture. L’écran s’est bloqué dans l’histoire de ma vie environ une semaine après que l’enfant m’ait transmis la cassette. Et c’est alors que je pus poursuivre la fin de ma 27ème année, car étrangement, la boucle infinie avait due prendre place dans un espace temporel différent de celui-ci. La première chose que j’ai faite (après m’être soulagée la vessie bien entendu, rigolez pas !! essayez de vous retenir pendant 25 ans !!! ) est d’écrire ce texte, afin de criez haut et fort : ne cherchez à connaître le film de votre vie, réaliser le, cela suffit amplement !

Lemme 6 : La quantité ne fait pas la qualité.

C’est pourquoi il est grand temps de s’arrêter là !