'Grab Grab Grab.... '

Mon disque dur de pirate entonnait ce son depuis plusieurs semaines, et j'avais accumulé un espace temps on ne peut plus considérable. En plus de travailler mon anglais, je pouvais désormais voir en quasi direct live les épisodes de mes séries américaines préferées. Jack Bauer aura-t-il le temps de remourrir dis foix avant la fin de sa journée? Kate embrassera-t-elle bientôt Sawyer ou plutôt le Docteur-Héros? Suzanne remettera-t-elle le couvert avec le plombier? Autant de délices plus futiles les uns que les autres auquels je pouvais répondre avant la plupart de mes compatriotes. En effet, s'il faut 8heures aux avions pour traverser l'atlantique, il faut plusieurs mois aux séries pour faire de même. A croire que le gulf stream montre de l'opposition aux échanges binaires sous marin, mais il faut tout de même reconnaître qu'en même temps qu'il traduit 'Eastwood' en 'Bois de l'Est', il épure les dialogues de quelques 'fucks' qui pourraient heurter la sensibilité de nos bonnes vieilles oreilles continentales.
Curiosité de cet espace temps distordu, il m'arrivait de temps à autres de regarder en parallèle la diffusion nationale et la diffusion personelle de mon disque dur. C'est surement à partir de ce phénomène que l'on entend souvent dire qu'il n'y a plus de saisons! Je venais donc de terminer une autodiffusion de l'épisode 6 de la saison 2 d'un évadé de prison, quand le hasard du zapping me ramena plusieurs mois en arrière où le même évadé préparait alors son coup en douce. La bizarroïdité de la traduction (du moins des tonalités de voix (et aussi du mot que je viens d'employer non?)) m'absorba, et je redécouvris peu de temps après un élément que j'avais oublié: la coupure publicitaire... D'habitude ce genre de coupures vous permettent d'aller vous vider la vessie après la petite infusion du soir. Il faut d'ailleurs avouer que les études de marché menées par Lipton se sont complètement fourvoyées. Un français moyen peut facilement tenir une bonne heure de vessie après ingestion du dit breuvage. Par contre il semblerait qu'outre antlantique, les prostates et autres problèmes anatomiques réclament une pause pipi toutes les 7minutes environ. La encore, il faut surement remercier le gulf stream...
Je ne profita donc pas de cette pause pipi gracieusement offerte, j'attendis patiemment que l'écran me remontre mon prisonnier tatoué. Il faut aussi savoir qu'un écran se lache pendant la pub. Il profite de ce que vous ne le regardiez plus pour s'affoler dans tout les sens, à croire que personne n'ait jamais songé au vidange d'écran pendant la vidange humaine! He bien justement, mon écran TV n'affichait plus rien, si ce n'est le vide intergalactique de son tube. Devant ce semblant d'univers clos, je trouvais ca pas normal du tout. J'avais beau zapper, il affichait la même chaîne cosmique, pourtant son témoin d'alimentation était bien allumé, et un léger son se faisait entendre au niveau des haut-parleurs. Celui-ci fut vite couvert par le tambourinage incessant qu'effectuait une personne loin d'être quelconque sur ma porte. Je m'activa prestement pour parcourir les 8500 millimètres et quelques (c'est à dire environ 8mètres 50) qui séparaient ma chaise de la porte, et calmer l'individu qui s'acharnait toujours. N'ayant pas d'oeilleton catholique ou pas, j'ouvris la porte, et me retrouva aussitôt projeté contre le mur (environ 1500millimètres derrière la porte) par un gros malabar au costume de flic, mais pas du même plumage que ceux que revêtent nos galinacés habituels. Le malabar m'invectivait et me réclamait de dire la vérité au plus vite. Il me brandissait sous le nez une feuille blanche d'un carnet à spirales, ce qui attira tout d'abord mon attention, aussi ne le reconnaissais-je pas immédiatement. Une fois la surprise de la situation évannouie, mon regard bascula de la feuille vierge au visage du chewing gum rose. Pendant ce même intervalle, mes oreilles indiquèrent au cerveau que l'homme semblait enervé de part le fait qu'il n'arrivait à rien, pas le moindre indice, pas la moindre inspiration et que cette feuille à trous représentait dans notre plan astral quotidien, l'ensemble de ses idées. Cette conclusion digérée, ce même cerveau, mais cette fois-ci par l'intermédiaire de mes yeux, comprit que le malabar était en fait le maton de la prison de mon tatoué, et plus précisement, le maton de l'épisode diffusé à la TV. Celui-ci ayant pris connaissance de mon avance temporelle, s'était décidé de franchir sa bande magnétique pour venir me faire noircir sa feuille invariablement blanche depuis quelques épisodes. Il voulait tout simplement que je trahisse le héros. Je réussis tant bien que mal à le calmer, et à le faire s'asseoir au salon pour lui expliquer la situation. J'avais le choix entre le célèbre paradoxe de Micheal J Fox et de son retour vers le futur, ou le langage de gros flic américain méchant. L'option du paradoxe me parût plutôt peu adaptée à mon interlocuteur: lui expliquer que mon intervention pertuberait le flux du gulf stream m'aurait amené très tard dans la nuit, aussi préférais-je lui expliquer que déjouer les plans du prisonnier lui ferait perdre son boulot car la série serait alors terminée. Cet argument financier le convainquit immédiatement (apparement il avait du emprunter plusieurs fois pour se refaire son stock de bières), aussi disparut-il de la même manière qu'il était apparut: par la porte.
Cette dernière soigneusement refermée, mon poste de TV repris une activité normale. Je me dirigea vers la salle de bain où après m'être forcé la vessie (ma conclusion d'alors était qu'il ne fallait pas contrarier une pause publicitaire!!), je me lava les mains. Mon regard croisa le mien au travers du miroir quand soudain, d'un des cotés de cette symétrie, j'apperçus le héros me faire un clin d'oeil de remerciement.
Dans toute cette histoire, le dernier fait perturbant est la nationalité du clin d'oeil. Je n'arrivais pas à me faire à une idée sur cet enchainement musculaire. Avait-il la grâce du clin d'oeil sexy des frenchys, ou avait-il la suffisance présomptueuse des clins d'oeil de cow boys? De quel saison m'était venu ce clin d'oeil? Aujourd'hui encore, je ne saurais vous le dire.