Cela faisait un moment que je n'y avais pas été. Le soleil en avait donc eut marre de m'attendre, et il s'était progressivement retiré. Tout comme la mer, il saurait revenir, mais son éclat serait alors bien pâle, vexé par le lapin que je lui avais si longuement posé. Je marchais sous la pluie, et je ne faisais plus la distinction entre le bruit des gouttes et le ressac océanique. Au loin pourtant, la mer était orageuse, un son très sourd embrassait l'horizon. Les vieux d'ici disent simplement, que l'eau tonne comme peut le faire l'éclair, mais là où ce dernier se contente de quelques secondes, la mer, elle se paye le luxe de nous abassourdir pendant des heures. La tête dans les épaules, j'arpentais le chemin sinueux laissé par la bordure des vagues. A travers une trouée nuageuse, la Lune venait de se lever et m'irradiait de ses faibles rayons. A son regard fatigué, je compris qu'elle aussi m'avait attendu très longtemps. Notre relation était très littéraire, je m'amusais à lui faire la lecture, mon ouvrage tenu haut vers le ciel, et ma voix orientée à son attention. C'est une des choses qu'il faut savoir sur la Lune, elle adore quand on lit vers elle. La pluie m'interdisait pourtant de renouer ce contact, elle se serait éfforcée de noyer mes pages, ou de venter les nuages pour cacher mon amie. La jalousie de la pluie n'est pas nouvelle, elle aime toujours se mettre au premier plan. D'ailleurs les fois où elle doit partager la vedette avec l'astre diurne, elle s'arrange souvent pour nous éblouir des milles couleurs que son arc possède. Je poursuivis donc le long de la côte, désorienté par les rafales de vents, délaissé tel un morceau de bois que la mer aurait rejeté après avoir digéré l'esquif qui en était composée. La comparaison n'était pas si anodine, ma vieille carcasse ressemblait bel et bien à une épave. J'avais laissé trop longtemps mon âme papillonner de son propre chef. Mon corps avait été contraint à une hibernation prolongée. Il était temps que le printemps revienne. Quelques ricochets à la surface de l'eau suffirent à la faire apparaître. Elle était là devant moi, telle la Vénus sortie de l'eau, mais le regard beaucoup plus terne. Mon âme n'appréciait guère d'être contrainte aux limites sensoriels de mon corps. Elle préférait s'envoler librement dans l'air, se baigner tendrement dans l'eau, absorber tout ce qui ne pouvait être sensible à mon enveloppe. Pourtant ces quelques ricochets suffirent à la faire rire. Ces gestes d'enfants lui annonçaient simplement que je reprennais goût à l'inutile, goût à la vie. La main tendue vers elle, je la vis s'approcher au fur et à mesure. Je venais de refuser la mélancolie et la tristesse, et je me retrouvais enfin entier.