Les épines du sapin se comportaient étrangement. Au lieu de tomber docilement dans le sac doré prévu pour leur recyclage, elles s'agglutinaient tout autour du petit nain ailé planté sur la cime. Étrange... Coralie remit une bûche dans le feu, tout en scrutant, du coin de son oeil droit, le petit oiselet, dans l'attente d'un mouvement suspect de sa part. Mais rien ne se produisît, si ce n'est que le coin de son oeil gauche commençait un peu à fatiguer à force de scruter les points noirs de son nez. Elle reprit machinalement une bûche, et s'apprêta à la mettre dans l'insère quand elle s'aperçut que là aussi quelque chose de bizarre se produisait: les bûches rougissaient par le dessus... Mieux valait être deux dans ces cas là. Elle héla son compagnon: "Charliiiiiiie??????". Une tête endormie avec marque de drap incrusté apparut dans l'encadrement ovale de la porte de la chambre. Ils avaient décidé de cette forme ovoïde quelques années auparavant, quand ils s'étaient aperçut des similitudes physiques qui les joignaient. Un grain de beauté sur la joue, une raie dans les cheveux, une jambe plus courte que l'autre d'un demi-centimètre qui leur faisait une épaule de primate avachie, des yeux vairons (un bleu, et un vert), le tout, bien sûr, symétriquement opposé. La nature avait joué avec eux, et en avait fait en quelques sorte des jumeaux probabilistes. Après tout, même si l'ADN humain contient environ 30 000 gènes, il n'y a que 3% d'entre eux qui semblent servir à coder les différences entre deux êtres. Il est donc, dans l'absolu, possible que la même séquence puisse se retrouver au même moment, à peu près au même endroit. Leur porte ovale, quand elle était ouverte, leur servait de miroir. Chacun de son côté, observant et essayant de retranscrire les mouvements du premier qui bougeait. Ils n'étaient tout de même pas tout à fait identiques, leur différence de sexe s'était permise de conserver les effets masculins et féminins de chacun. En fait, ils étaient à l'instar de leur prénom: un anagramme presque parfait. Le 'o' représentant la rondeur de la féminité, le 'h' représentant évidement l'attribut masculin. La nature n'avait donc pas été la seule à jouer. Leurs parents respectifs avaient du également être dans le coup. Étrange... Charlie marmonna un "Quaisse qu'y'a?", qui se transforma dans l'air par un "ahik est sec!". Coralie le regarda d'une façon dubitative. Ahik? Qui c'est encore celui là? Les épines, les bûches, Ahik.... tout va de travers aujourd'hui. De l'air, j'ai besoin d'air pensa t elle. Elle se retourna vers la fenêtre, et s'arrêta net. Évidemment, elle aurait du s'en douter: la pluie, tel un banc de saumons, remontait à la source. Elle songea d'abord qu'il faudrait qu'elle s'abonne à la chaîne National Geographic, et qu'elle y trouverait sûrement un jour, un gars en bonnet en rouge, qui lui expliquerait qu'un phénomène météorologique exceptionnel et millénaire se produit de temps en temps (environ tout les 1000ans d'ailleurs) et qui a pour effet de créer une telle dépression atmosphérique, que le nuage aspire l'eau du sol, donnant ainsi l'impression que la pluie remonte, que les bûches se consument à l'envers, que les épines remontent vers le ciel.... L'idée d'un complexe de liposuccion millénaire super lucratif basé sur cette dépression lui traversa alors l'esprit, mais elle s'évapora avec la réminiscence d'Ahik. Charlie avait parlé d'Ahik... Mais où est Charlie? Charlie? Horreur!! La porte ovale venait de se transformer en une vraie psyché, avalant de ce fait Charlie tout entier! Coralie recula, toute tremblante, et après avoir roulé sur quelque chose, elle se retrouva les quatre fers en l'air, rigolant de tout son saoul. Elle venait de trébucher sur sa bouteille de whisky de la veille. Tout lui paraissait clair désormais! Son alcoolisme noëlistique s'était une fois de plus invité à son réveillon solitaire!